vendredi 22 juin 2018

2012 : Avis des constructeurs sur l'E85 et le biodiesel



En 2012, la Cour des compte a publié un rapport sur l'évaluation de la politique publique en faveur des biocarburants.



A ce titre, la Cour a interrogé les constructeurs Renault et PSA pour connaitre les freins et les réticences aux carburants incorporant une forte proportion de biodiesel ou de bioéthanol alors qu'avec l'octroi d'agréments pour la production de biocarburant avec des incitations fiscales depuis 2007 avait augmenté.






Je vous livre la conclusion du chapitre consacré à l'avis des constructeurs automobiles où l'on apprend quelque chose de très intéressant. Les motoristes préfèrent brider la possibilité de travailler avec une plage de mélange allant de 0 à 85% d'éthanol pour des questions de coût.  

Il y a plus de détail au paragraphe 179 et cette position est confirmée par les commentaires envoyés par la Direction de Renault et surtout de PSA.

Conclusion du chapitre

Les constructeurs sont étroitement associés à tout ce qui concerne les biocarburants, car les garanties couvrant le moteur s’appliquent aussi aux problèmes mécaniques pouvant provenir des carburants. Ils estiment être confrontés à deux types de difficultés. 
La première concerne les émissions de CO2 des moteurs dont la réduction progressive impose une augmentation sans précédent de la contrainte au cours des dix prochaines années. Or jusqu'en 2008, les réductions d'émissions de CO2, qu'elles proviennent des moteurs ou des carburants, étaient combinées, de sorte que les biocarburants, performants de ce point de vue, allégeaient la pression sur les motoristes concernant ces émissions. Depuis 2008, ces deux questions sont séparées au niveau des règles européennes, de sorte que si un constructeur investit en vue de réaliser une voiture qui fonctionne correctement avec des biocarburants, il n’en bénéficiera nullement en ce qui concerne les efforts accomplis sur les émissions de CO2. D’où un moindre intérêt des constructeurs pour les biocarburants. 
La seconde difficulté tient à l'instabilité des règles émises par les pouvoirs publics, tant européens que français. S'agissant des carburants, l'important est qu'il y ait une synergie entre carburant et véhicule, car alors, il y a un marché. Or de ce point de vue, les discontinuités et les incohérences dans les diverses politiques suivies en France comme en Union européenne sont nombreuses. Renault a ainsi mis au point une gamme de véhicules reposant sur les énergies alternatives, essentiellement l’E85, le B30, le GPL. Cette gamme est d'une taille significative : pas moins de 10 modèles pour l'E85, 6 et 2 utilitaires pour le B30. Faute de soutiens adéquats, il n'y a jamais eu de marché et la production de ces véhicules a cessé après la vente de quelques centaines ou quelques milliers d'exemplaires.  
Par conséquent, la visibilité à long terme est de loin l'élément le plus important pour une politique en faveur des biocarburants. Par exemple, les motoristes disent qu'il est plus facile et moins coûteux pour eux de travailler sur une plage de mélange restreinte, même un niveau élevé, que sur une plage très large. Autrement dit, moyennant une période de cinq à huit ans, ils peuvent produire une gamme de moteurs compatible avec des mélanges allant par exemple de l’E10 à l’E30. Il leur serait beaucoup plus difficile de réaliser un moteur qui puisse absorber des mélanges allant de l’E10 à l'E85. L'essentiel dans ce domaine est d'avoir un horizon stable.

Paragraphe 179

Pour l’éthanol, les moteurs peuvent accepter des taux d’incorporation beaucoup plus élevés, mais les motoristes s’accordent pour dire qu’il est plus facile et moins coûteux de travailler sur une plage de mélanges restreinte même à un niveau élevé, que sur une plage très large. Autrement dit, sous réserve d’un délai raisonnable, ils peuvent mettre au point une gamme de moteurs pouvant accepter, sans contrainte spéciale d’entretien ou avec des contraintes minimales, n’importe quel taux d’incorporation à plus ou moins 10 % près. Il est beaucoup plus difficile en revanche de travailler sur une plage très large. Si on disait par exemple aux constructeurs de passer intégralement à l'E20 en 2020, ils seraient d'accord, car ils auraient 8 ans devant eux pour produire une gamme de moteurs compatibles avec des mélanges allant de l’E10 à l’E30. Il leur serait en revanche beaucoup plus difficile de réaliser un moteur qui puisse absorber des mélanges allant de l’E10 à l’E85 . Mais dans tous les cas, l’essentiel pour eux est de disposer d’un horizon stable pour la mise au point des moteurs plutôt que d’être confrontés à des contraintes plus légères mais qui changent constamment.   
D'après le constructeur interrogé, ces arguments sont valables pour les pays les plus développés où les moteurs sont plus sophistiqués qu’ailleurs (injection électronique entre autres). Dans les pays émergents (Brésil), les moteurs sont en général plus rustiques, ce qui explique que les constructeurs français en particulier, puissent donner l’impression d’être plus allants sur les marchés extérieurs qu’en Europe. 

REPONSE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL DE RENAULT  


Tout d’abord, Renault tient à vous exprimer à nouveau son appréciation sur la consultation relative aux biocarburants à laquelle nous avons été associés, et sur son résultat : le travail d'analyse réalisé par votre Cour est d'une grande qualité de part son regard très complet, objectif et critique sur l'ensemble des facteurs qui impactent la filière des biocarburants. Egalement, de notre point de vue, les recommandations proposées indiquent très bien la complexité autour de cette filière, et reflètent les points de vue de toutes les parties prenant.
  

REPONSE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL DE PSA 


S’agissant d’aides publiques, le bilan financier est naturellement un critère d’évaluation important. L’analyse montre que l’état est bénéficiaire et que le consommateur de carburant a supporté le financement de la politique en faveur des biocarburants au travers de la surconsommation liée à leur moindre pouvoir calorifique inférieur (PCI). De manière plus précise, nous soulignons que ce sont en réalité les consommateurs d’E10 et B7 qui financent la défiscalisation massive de l’E85.  Cette situation ne nous semble pas justifiée par les caractéristiques écologiques ou économiques d’un déploiement en France de ce type de carburant dit flex-fuel.

L’aide à l’introduction de nouvelles technologies ou énergies est d’autant plus efficace que le signal est clair pour le consommateur, ce qui devrait conduire à mieux refléter dans le prix à la pompe l’écart entre SP95 et E10 pour favoriser l’utilisation de l’E10.

En cohérence avec ces précisions, nous formulerons quelques commentaires généraux : 

  • Il y a lieu de distinguer les carburants alternatifs, dont l’usage demande une motorisation spécifique (GNV, GPL, E85), de ceux qui constituent une simple évolution des carburants classiques (E5, E10, E20 et B5, B7, B10, B30). Ceux-ci, dès leur introduction, sont compatibles avec une partie significative du parc roulant. 
  • Sous condition de respect des critères de durabilité des biocarburants, les biocarburants à faible taux d’incorporation sont de fait ceux qui présentent la meilleure efficacité en terme de coût / impact industriel / rapidité de déploiement, et donc impact écologique.  
  • En effet, dans le coût il convient de prendre en compte l’évolution des motorisations mais aussi de l’infrastructure de distribution. 
  • Nous attirons aussi l’attention sur la nécessité de normes, au moins européennes, sur la qualité du mélange, aussi bien pour l’essence que pour le gazole, afin de garantir le bon fonctionnement des moteurs et de leurs systèmes de dépollution, de plus en plus exigeants. 
  • PSA agit depuis longtemps en faveur des biocarburants à faible incorporation. Tous nos véhicules sont compatibles pour les motorisations essence, avec E10, et pour les motorisations diesel avec du B10, et  du B30 sous conditions d’entretien strictes. 
  • Espérant que ces remarques contribueront utilement aux décisions publiques pour améliorer les dispositifs d’aides aux biocarburants. 

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