jeudi 28 décembre 2017

1909 : Chlorophylle et pastilles ROBUR à mettre dans le réservoir

Les extraits de cet article m'avait attiré car ils évoquaient : 
  • l'impression de meilleur fonctionnement d'un moteur à l'aube, au crépuscule ou lors de la traversée d'un sous-bois. Phénomène toujours sensible avec nos voitures modernes à injection ;
  • une explication chlorophyllienne, absolument poétique et improbable. 
En creusant un peu le sujet, ce conférencier, doté de solides connaissance sur la carburation à l'époque,a fait moult essais et a même inventé un additif sous forme solide permettant d'améliorer la marche du moteur avec toujours en filigrane l'utilisation de l'essence, du benzol et de l'alcool-moteur.

L'article et le complément sont un peu long et peuvent nécessiter un Doliprane, qui doit avoir sur l'intellect le même effet qu'une pastille Robur (divinité gauloise, le dieu-arbre correspondant au chêne sacré) dans le réservoir.


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SUR LA CARBURATION DANS LES MOTEURS A EXPLOSION


Tous ceux qui, par goût, sport ou profession, ont eu à s'occuper des moteurs à explosion employant l'air carburé par l'essence de pétrole, c'est-à-dire les automobilistes et maintenant les aviateurs, ont remarqué que le phénomène de la carburation présente des différences notables, suivant les saisons, suivant l'état atmosphérique et, dans une même journée, suivant les heures et la température.

Quand l'automobiliste, en cours de randonnée, trouve une forêt à traverser, la carburation s'améliore souvent à tel point, que les esprits les moins attentifs se laissent surprendre par les différences d'allure de la voiture. C'est là une constatation générale que tous les automobilistes ont faite dans le cours de leurs pérégrinations,

On s'est demandé pourquoi, notamment, la traversée d'une forêt, pendant une excursion estivale, donnait à la voiture une allure qui ne ressemble pas à celle qui avait lieu quelques moments avant.

J'ai fait des expériences personnelles que j'ai renouvelées fréquemment avec toute l'attention voulue pour bien saisir ces différences d'allure dans les bois. Par suite d'obligations industrielles, j'ai fait pendant une seule année, le trajet Vichy-Randan des centaines de fois. Or, ces 15 kilomètres de route traversent une partie du domaine forestier appartenant à la famille princière d'Orléans. Parti souvent, an plein cœur de l'été, vers 1 heure de l'après-midi, par des chaleurs élevées, ma voiture allait moyennement, quelquefois mal, sur une route surchauffée; dès que j'atteignais la forêt, le moteur retrouvait de lui-même, dans sa carburation automatique, une allure plus rapide, un fonctionnement plus élastique, lesquels ne laissaient pas de me surprendre,

Le raison ? Je m'en suis enquis de tous côtés. Il m'a été dit, comme article de foi, par tous les chauffeurs, qu'on carburait mieux dans les bois. Pourquoi? On n'en savait rien ; c'était un fait d'expérience.

Mon enquête poussée plus loin m'a appris aussi qu'aux jours d'été la carburation était meilleure aux heures fraîches de la matinée, du soir et de la nuit, qu'aux heures torrides de la journée. Et de cela, j'ai vu la confirmation éclatante lors de la semaine d'aviation de Vichy, en juillet dernier. Les organisateurs, dans un bon mouvement, avaient ouvert les portes du champ d'aviation dès 10 heures du matin ; la foule s'amassa , le premier jour, dès midi, malgré un soleil tropical sous un ciel implacable et sur un territoire dénué à dessein de tout arbre ou ombre propice. Or, il arriva que les aviateurs refusèrent de tenter quoi que ce soit dans le cours de l'après-midi , malgré l'absence de vent; et le premier qui s'envola, sur un appareil Wright, ne prit son essor qu'à 7 h. 1/2 du soir. La foule, impatientée de cette longue attente dans une température de fournaise, avait fait diverses manifestations et brisé des barrières. La vérité est que la carburation des moteurs des aéroplanes n'était sûre qu'aux heures du soir ; aussi, les aviateurs ne tentèrent-ils leurs expériences qu'après le coucher du soleil et le fraîchissement de la température.

De ces phénomènes, il m'a été donné deux explications. L'une, que je rejette, fait, à propos de forêts, intervenir la question chlorophyllienne; l'autre met en cause des questions d'hygrométrie et on ne doit l'accepter aussi qu'avec les plus expresses réserves.

J'ai rejeté de plano l'explication chlorophyllienne, car si elle peut, à la rigueur, justifier l'amélioration de la carburation estivale en forêt, elle ne peut expliquer les avantages qu'on constate l'été pendant les heures fraîches de la matinée, du soir et de la nuit, sur une route quelconque, loin des bois. Je vous la signale néanmoins à titre de curiosité.

Quant à la question d'hygrométrie, il me fut expliqué que, sur route ordinaire, la carburation est la meilleure à l'heure ou la lumière des phares commence à se percevoir sur la chaussée, c'est-à-dire à la chute du jour , et cela à cause de la variation hygrométrique correspondant à la baisse de température. C'est dire, en somme, que l'état hygrométrique de l'air est une fonction importante de la carburation, et cette explication semblerait répondre d'une manière satisfaisante aux améliorations d'allure, tant sur les routes ordinaires que dans les forêts, puisque les bois sont des condenseurs naturels de vapeur d'eau. Mais cette explication, plausible pour les jours d'été, est controuvée aux jours d'hiver. Dès que le coefficient hygrométrique se prononce un peu en hiver (et en temps froids, il faut très peu de vapeur d'eau pour saturer l’atmosphère), la carburation devient moins bonne. On ne peut pourtant pas admettre que la vapeur d'eau soit utile l'été et nuisible l'hiver,

En tout cas, la question me parut assez intéressante pour mériter quelques recherches, et j'ai acquis un résultat, celui d'atténuer considérablement les variations de la carburation.

Quoique la question me soit bien personnelle, puisque j'ai créé sur mes recherches une petite industrie, je vous prié de m'autoriser à vous présenter mes idées à ce sujet,

Parlons d'abord des éléments de la carburation.

L'essence de de pétrole employée est un mélange d'hydrocarbures saturés homologues du méthane ; l'hexane C6 H14 me paraît dominer, puisqu'on ne garde que les éléments ayant distillé au-dessous de 120 degrés, La densité varie de 0,700 à 0,740 L'essence s'enflamme au-dessous de 35 degrés ; elle est très volatile, et les vapeurs qu'elle émet forment en se mélangeant avec l'air un gaz qu'on enflamme dans les cylindres des moteurs d'automobile et d'aviation.

L'usage fait aussi employer, pour les véhicules lourds, de l'alcool dénaturé et du benzol, ce dernier formé de benzine et de toluène, Les observations que je présenterai s'appliquent aussi à ces carburants, seuls les chiffres varient.

La puissance calorifique de l'essence est de 11.000 à 11,500 calories et l'air nécessaire à la combustion de 1 kilogramme d'essence est de 15 kilogrammes environ. Pour brûler complètement l'essence, il faut donc au moins 15 fois son poids d'air,

La quantité d'air influe notamment sur la température de combustion. Ainsi, d'après Claudel, avec l'alimentation d'air théorique , là température de combustion est de 2.788 degrés, cette température descend à 1,951 degrés pour 1 fois et demi le poids d'air théorique, à 1.488 degrés pour 2 fois le poids d'air théorique et 1.010 degrés pour 3 fois le poids d'air théorique.

Toutes réserves faites sur la nature des parois relativement aux températures de combustion et à là pression d'explosion, on voit, d'après la formulé dé Carnot,

(T - To)/T = 1 - To/T en températures absolues

que le cycle thermique aura un rendement d'autant plus élevé que l'alimentation d'air sera plus voisine du coefficient théorique 15,

La quantité d'air appelée à se mélanger avec l'essence joue donc d'abord un premier rôle important et cet office est rempli à l'aide d'un appareil spécial, le carburateur, qui n'est presque jamais étudié et établi par le constructeur du moteur.

En principe, le carburateur est un récipient, dont le niveau est maintenu constant à l'aide d'un flotteur, terminé par un ajutage à faible section placé très légèrement au-dessus du niveau du liquide. Pendant le temps d'aspiration au cylindre, la dépression fait gicler l'essence qui se mélange à l'état de vapeur avec l'air également aspiré par des orifices proportionnés, dont les sections peuvent varier, soit automatiquement, soit à la main, soit encore par une combinaison des deux systèmes.

Il semble donc qu'une fois les orifices d'essence et d'air convenablement réglés pour se rapprocher de la combustion théoriques la qualité de la carburation devrait rester à peu près invariable. Il n'en est rien , je vous l'ai exposé tout à l'heure. Du reste, tous ceux qui se sont servis de carburateurs où l'air auxiliaire est commandé par une manette spéciale savent qu'il faut agir fréquemment sur cette manette sans cause apparente. Donc, les circonstances physiques de l'air ambiant paraissent influer sur la carburation,

Les variations étant surtout le plus sensibles pendant l'été, des heures chaudes aux heures fraîches, il y a lieu de chercher comment se comporte l'air atmosphérique pendant ces heures.

L'état hygrométrique d'abord est très variable. En général, l'air contient plus de vapeur d'eau l'été que l'hiver et pourtant il est moins humide, parce que la température élevée le tient plus loin de son point de saturation. En effet, le degré d'humidité de l'air ne dépend pas de la quantité absolue de vapeur d'eau qu'il contient, mais de la distance à laquelle cette vapeur se trouve de l'état de saturation. Par conséquent, dans les jours d'été, les heures fraîches du matin, du soir et de la nuit ont une fraction de saturation plus élevée que les heures chaudes de la journée ; en un mot, à moins de circonstances atmosphériques accidentelles, l'air est plus humide le soir qu'à midi et cela semblerait donner une plausibilité à l'opinion qui m'était formulée, et que je vous ai rapportée en la rejetant, que la meilleure carburation correspondrait à un état hygrométrique spécial de l'air ambiant.

Dans nos climats, l'air est rarement saturé de vapeur d'eau, sauf en temps de brouillard et de dégel ; il renferme, en moyenne, la moitié de la vapeur nécessaire à sa saturation. Sur cette base, l'état hygrométrique optimum correspondrait, pour un soir d'été, avec une température de 20 degrés centigrades, à un poids de vapeur d'eau de 7 grammes environ par mètre cube d'air. C'est dans le rapport de 1 /170.

Je vous ai dit déjà, et je le répète encore, que je ne croyais pas à la bonne influence de la vapeur d'eau sur la carburation, car, dans l'air humide, on carbure mal.

D'autre part, la pression barométrique varie aussi, suivant les heures, en sens inverse de la température. Dans les jours d'été, l'air est moins dense à midi que le soif ou la nuit, abstraction faite toujours des variations générales accidentelles, par suite de l'action calorifique du soleil donnant lieu à des dilatations, puis à des contraction, et, par conséquent, à des changements de densité.

Ici, je crois que l'influence de la densité de l'air est réelle, car elle a été constatée dans les moteurs à gaz. Une de ces machines thermiques ne fonctionne pas dans les mêmes conditions placée au bord de la mer ou sur une montagne. Le même moteur donne 10 pour 100 de moins de puissance sur la montagne où l'air est moins dense, vers 800 ou 1000 mètres d'altitude, que sur les bords de la mer où le baromètre a l'indication la plus forte. C'est un fait d'expérience qui m'a été encore tout récemment confirmé par un spécialiste ayant construit et placé de nombreux moteurs, à gaz pauvre.

Mais, si la différence de pression de l'atmosphère est considérable pour 1000 mètres d'altitude, il n'en va pas de même pour la variation diurne du baromètre, laquelle se renferme toujours dans des limites étroites restant, sauf influences perturbatrices générales, dans un rapport du même ordre que celui de l'état hygrométrique.

C'est pourtant sur cette donnée que je me suis bâti une explication provisoire que j'ai cherché à contrôler par des expériences. Ces expériences ont eu des résultats dont je vous donnerai connaissance.

D'abord, l'explication ou ma théorie.

Les liquides volatils employés comme carburants, tels que l'essence de pétrole que je vise particulièrement, car elle est de beaucoup la plus usitée, ont des tensions de vapeur dont la force élastique s'accroît très rapidement avec la température, suivant les termes d'une progression géométrique, à tel point que - si la tension de vapeur à 0 degré est de 100 millimètres de mercure, cette tension dépasse 3000 millimètres à 100 degrés,

En outre, j'ai admis = il fallait bien admettre quelque chose, = que le volatilité de l'essence est d'une très grande sensibilité et qu'elle peut être affectée notablement par les plus petites perturbations.

J'en ai conclu que le coefficient gravifique de l'air ambiant, qui intervient évidemment sur la valeur absolue de la dépression au gicleur, affecte vivement l'émission, et que, par la nature même de l'essence, la plus petite variation de la dépression sur le gicleur agit notablement sur la quantité de liquide appelé et vaporisé. Petite cause, grand effet, d'autant plus sensible que l'air ambiant est plus chaud puisque la tension de vapeur croît si rapidement avec la température.

Par conséquent, l'été, un simple passage du soleil à l'ombre doit améliorer la carburation ; eh bien ! c'est là aussi un fait d'expérience.

Supposons un carburateur bien conçu, en bon fonctionnement sous une pression barométrique quelconque ; quand cette pression diminue, même faiblement, l'essence vient trop abondante et on s'éloigne alors des proportions de la combustion théorique par excès d'essence et diminution du poids d'air, d'où diminution du rendement,

J'ai dit que, pour une question de température, les différences de carburation doivent être plus sensibles l'été que l'hiver, d'autant plus que la moyenne barométrique d'hiver est plus élevée que celle d'été. L'été, au contraire, la pression barométrique est moyennement plus faible et ses variations diurnes sont proportionnelles à celles des températures. Si, au moment des fortes chaleurs, on entre en forêt, on y trouve un air plus frais, donc plus dense que celui qu'on avait un instant auparavant sur la route qui poudroie an grand soleil D'où amélioration de l'allure, le soir et la nuit sont dans les mêmes conditions, car la pression a varié inversement à la température.

Parti sur ces idées et ne pouvant agir sur l'émission d'essence, ni sur les conditions physiques de l'air ambiant, je me suis attaqué à la nature même du liquidé carburant et j'ai tenté d'atténuer, dans une limite convenable, la sensibilité trop grande que je lui prêtais, en agissant sur sa tension de vapeur, réservant à l'expérience le soin de dire si j'avais fait bonne besogne.

Je vous rappelle, Messieurs, deux lois physiques sur les tensions de vapeur ; les voici :


  1. Lorsqu'un liquide tient en dissolution une substance quelconque, sa tension de vapeur est moindre qu'à l'état de pureté et d'autant moindre que la dissolution est plus concentrée;
  2. Lorsque la substance dissoute est elle-même volatile, la tension des vapeurs mélangées qui se produisent est moindre que la somme de leurs tensions respectives,

Le tout à température égale, bien entendu.

Donc, pour vérifier les idées que je viens de vous exposer, je n'ai eu qu'à mettre en pratique ces deux lois physiques, en introduisant dans l'essence des substances appropriées ; puis, à faire des essais comparatifs, sur les mêmes routes et dans des conditions de température identiques, tantôt avec de l'essence pure, tantôt avec de l'essence préparée.

J'ai eu d'abord à surmonter des difficultés, car les substances à incorporer devaient répondre à diverses nécessités. Elles devaient n'être pas nocives, elles devaient être complètement et rapidement solubles, elles ne devaient pas abaisser la puissance calorifique du solvant,

La non-nocivité était facile à résoudre, mais les deux autres points, solubilité et respect de la puissance calorifique, m'ont occasionné de longs tâtonnements. En outre, il fallait laisser à l'essence une tension de vapeur suffisante pour assurer la carburation à toutes les températures et pressions, permettre un départ sans artifices, assurer le meilleur ralenti possible et surtout des reprises rapides, en un mot, il fallait doser au mieux la concentration de la dissolution , après un choix judicieux des corps à incorporer.

Après maints tâtonnements, je suis arrivé à produire à l'état de comprimés, une véritable combinaison d'hydrocarbonés , répondait aux desiderata ci-dessus. Ces comprimés se mettent dans le réservoir en même temps que l'essence (ou l'alcool, ou le benzol), leur solution est entière et rapide, surtout si la voiture est soumise aux trépidations dues au fonctionnement du moteur ou à la marche.

Des essais, j'en ai fait moi-même pendant plus de six mois, ils m'ont donné des résultats sensibles, puis j'en ai fait faire par des tiers qui ont confirmé ce que j'avais obtenu moi-même. Je vous cité sommairement les principaux que je puis justifier.

Dans le Calvados, une limousine Panhard, 24 chevaux, ayant trois ans d'existence, a pu, grâce à mon carburant Robur (c'est le nom que j'ai donné à mon produit), gravir complètement en troisième vitesse une longue rampe dé 9 pour 100, ce qu'on n'avait jamais pu obtenir avant. Le même expérimentateur, sur des routes très dures du Calvados, a fait à plusieurs reprises un même trajet de 100 kilomètres, avec et sans mon carburant, dans des conditions climatériques aussi identiques que possible, Après jaugeage de l'essence du réservoir , l'économie d'essence accusée a été de 13 pour 100 avec l'emploi de mon carburant Robur.

Dans le Sud-Ouest, une Bayard-Clément, 2 cylindres, 10 chevaux, ayant aussi trois ans d'existence, a trouvé une allure telle, par l'emploi de mon carburant, qu'à deux reprises son conducteur m'a écrit qu'il gagnait probablement 2 chevaux. Cette estimation de gain de puissance me paraît répondre à plus d'élasticité et de souplesse provenant d'une meilleure carburation et d'une meilleure utilisation de l'essence.

Tout récemment encore, j'ai fait avec un tiers une randonnée de 200 kilomètres à travers le Plateau Central, sur une Bayard-Clément, 4 cylindres, 14 chevaux, type 1905, J'ai eu la satisfaction d'entendre le conducteur m'affirmer que jamais sa voiture n'avait été plus souple, plus élastique et plus vite.

Je m'excuse à nouveau auprès de vous pour ce que la question traitée à de personnel. J'ai cru, néanmoins, qu'il était bon de poser devant vous cette question de la carburation et les bizarreries qui ont cours sur l'influence estivale de la chlorophylle et un certain état hygrométrique, J'ai cherché une explication plus rationnelle ; je suis peut-être loin de l'avoir trouvée et je risque d'être taxé de fantaisie ou de faux. Mais le faux lui-même n'est pas l'ennemi du progrès, puisqu'il suscite la contradiction et la réfutation. En tout cas, j'ai mis à jour un moyen d'amélioration réel et pratique sur lequel se prononcera bientôt une expérience générale.

L'automobilisme n'est plus un sport de luxe ; il est devenu un moyen pratiqué et presque parfait de locomotion et de transport, son emploi industriel est aujourd'hui consacré,

L'aviation, d'autre part, subissant aussi la loi de perfectionnement, deviendra un moyen nouveau entre les mains de l'homme. Toutes les questions qui se rattachent au principe même de leur propulsion ne peuvent donc être indifférentes à personne.

J'ai posé, ce soir, là question de la carburation et des phénomènes inconnus qui peuvent l'affecter, parfois considérablement; il serait désireux qu'on arrivât à l'éclaircir complètement et à la résoudre,




Fiat 500 X dopée au ROBUR ? (Février 2015)

Note complémentaire sur la Carburation


J'ai eu l'honneur d'exposer, dans ce qui précède, les divers états de la carburation, dans les moteurs d'automobile, suivant les circonstances atmosphériques, les explications bizarres qui avaient cours à ce sujet dans le monde des chauffeurs et les résultats que j'avais pu obtenir en changeant, d'après deux lois physiques connues, la tension de vapeur de l'essence.

Puisque la question a paru assez intéressante pour m'attirer une volumineuse correspondance, j'ai jugé utile de pousser un peu plus loin l'étude de la carburation. Je vais montrer l'état d'infériorité où nous nous trouvons au point de vue du rendement thermique, je dirai ensuite les moyens physiques ou chimiques mis en essais, car la question a deux faces. Les uns, professionnels de l'aviation surtout, insoucieux de la dépense, tendent à tirer de leur moteur la puissance limite compatible avec la résistance mécanique des matériaux ; d'autres, les touristes ou les industriels, plus ménagers de leurs derniers avec un outil dont tous les accessoires sont hors de prix, se préoccupent surtout de diminuer la dépense. Il est certain qu'une utilisation rationnelle du combustible succédant au gaspillage actuel, donnerait satisfaction aux uns et aux autres.

Nos moteurs d'automobile et d'aviation sont, au point de vue mécanique, des merveilles de précision, dans lesquelles l'utilisation du métal me paraît toucher à la limite. Dans les mains les plus inexpérimentées, sous tous les temps, sous la pluie, la boue, la poussière ou le soleil, et le plus souvent sans entretien digne de ce nom, ils montrent des qualités d'endurance et une constance d'allure méritant tout éloge. Je crois qu'au point de vue mécanique, tout, ou presque tout, a été dit.

En est-il de même au point de vue du rendement thermique ? Il n'est pas besoin d'une longue analyse pour voir qu'ici une véritable infériorité est manifeste et qu'un large champ d'étude est ouvert aux chercheurs.

Et, d'abord, je crois qu'ils ne sont pas nombreux les chauffeurs au courant du rendement thermique de leur moteur. Pour le luxueux 6-cylindres, aussi bien que pour l'humble mono 6 HP, on suppute vaguement le nombre de litres d'essence brûlés par 100 kilomètres de route, comme si la route n'était pas une unité essentiellement et constamment variable, tant par ses profils divers que par le temps du parcours et les conditions de température, d'hygrométrie, de pression. Cela ressemble un peu au problème marseillais qui donne l'âge du capitaine en fonction de la hauteur des mâts du navire, les précisions sont presque du même ordre.

La seule unité admissible, et la seule employée en industrie est le cheval-heure ; je m'en servirai donc exclusivement.

Chacun sait que 1 IIP. de 75 kilogrammètres représente en une heure, ou 3.600 secondes, un travail de 75x3.600=270.000 kgr.
En fixant à 425 calories l'équivalent mécanique de la chaleur, il suffit donc théoriquement de 270.000/425 = 635 calories pour produire le travail de 1 cheval-heure.
Or, la combustion complète de 1 kilogramme d'essence dégage 11.500 calories, donc, théoriquement toujours, 635/11.500 = 55,2 grammes d'essence devraient nous produire 1 cheval-heure.

Mais, car il y a un mais, ce chiffre est vivement affecté par le refroidissement des parois des cylindres, lequel, à lui seul, nous coûte 40% des calories ; puis, il y a encore le rendement mécanique du moteur qui intervient moyennement pour une nouvelle perte de 20% ; de sorte que les 55 grammes ci-dessus ne représentent qu'une utilisation de 40%. Pratiquement, nous devrions donc produire le cheval-heure avec 55,2/0,40 = 138 grammes d'essence, et nous en dépensons tous environ 400 grammes avec la meilleure machine.

Voilà où nous en sommes. Nous brûlons aux moineaux de la route, en pure perte, les deux tiers de notre essence, c'est-à-dire de notre argent.

D'où vient ce gaspillage ?

A mon avis, il vient uniquement du fait que nous alimentons un moteur à gaz à l'aide d'un gicleur donnant un liquide faiblement divisé, d'où mauvaise dilution. La démonstration m'en paraît facile.

Notre carburateur à injection, sous l'influence de la dépression créée par les aspirations successives, crache à plein gicleur le combustible liquide, lequel ne se vaporise en partie que dans le temps de la compression. Et j'estime que le gaspillage est uniquement dû à l'état molléculaire du combustible, car, dans le moteur Diesel, où un liquide moins favorable, pétrole lourd, est distribué à l'énorme pression de 50 kilogrammes par centimètre carré, sous forme de brouillard impalpable, la dépense du cheval-heure a été pratiquement ramenée à 180 grammes : c'est un gain de plus de 50% sur nos moteurs. Et tous les techniciens savent que le cycle Diesel, à pression constante, n'est pas en principe supérieur au cycle ordinaire pour les mêmes valeurs de compression préalable.

La question du mélange gazeux joue, en effet, un rôle prépondérant. Pour brûler notre essence, nous prenons l'oxygène à l'air atmosphérique, ressource précieuse, inépuisable et surtout gratuite, qualité unique en matière d'automobile ; puis, au lieu de diluer dans cet air des vapeurs d'essence, nos carburateurs à injection livrent du liquide à plein jet. L'évaporation, puis la dilution des vapeurs sont toujours précaires, car elles ne sont obtenues que par le brassage effectué par le piston dans ses temps d'aspiration et de compression. La charge gazeuse manque totalement d'homogénéité : il reste, au moment de l'explosion, des parties liquides qui brûlent en pure perte et s'échappent au minimum d'oxydation sous forme d'oxyde de carbone et d'hydrogène, mélangés à l'azote inerte et à l'acide carbonique et vapeur d'eau provenant du combustible utilement brûlé au maximum d'oxydation.

Un mélange gazeux très intime et très homogène est la condition première dont dépendent la perfection de la combustion et le rendement thermique utilisable. Sur ce point, nos carburateurs à injection sont en état de grande infériorité par leur nature même; il est vrai qu'ils ont à leur actif leur simplicité, la sécurité de fonctionnement, leur bon marché ; mais ces avantages, il nous les font payer cher; ce sont des prodigues jetant notre argent sans compter par la fenêtre du gicleur. Pensée peu consolante, il nous faut les subir, car leurs confrères à vaporisation sont inapplicables en automobilisme et n'ont trouvé place que dans les petits moteurs fixes d'industrie.

Est-ce à dire qu'il faut renoncer à toute amélioration de ce côté ? Je ne le prétends point, et j'espère même que l'initiative, souvent si heureuse, des chercheurs s'orientera vers ces recherches et améliorera les résultats actuels.

J'ai dit plus haut que la question de la carburation avait deux faces, suivant la destination du moteur. Pour les uns, la dépense est chose secondaire, seul le maximum de puissance possible entre en ligne de compte; pour les autres, dont je suis, le rendement thermique, ou, si l'on veut, la moindre dépense, domine tout. Il convient donc d'examiner ce qu'on a tenté dans les deux sens.

La présence de l'azote de l'air atmosphérique, lequel représente en poids plus des 7/10e du mélange, joue un rôle néfaste. Ce gaz inerte est inutile et nuisible; il encombre la chambre, il absorbe du travail, il empêche la dilution parfaite des gaz utiles, il retarde la combustion, en un mot, c'est un déplorable gêneur. L'air étant un simple mélange, on a essayé de séparer l'oxygène de l'azote par centrifugation puisqu'ils sont de densité différente, l'essai a été vain. D'autres ont cherché un septum poreux utilisant la faculté osmotique plus grande de l'oxygène pour arrêter l'azote à la paroi filtrante; insuccès encore. C'étaient là des opérations d'autant plus ardues qu'elles intéressaient des volumes de gaz considérables. Mais on a tenté de mettre à profit l'oxygène industriel qu'on trouve comprimé à haute pression dans des tubes d'acier; alors, on est tombé dans un encombrement tel qu'il a fallu y renoncer.

La suroxygénation du mélange répondait bien à des circonstances spéciales telles que les courses de vitesse. En effet, si la combustion dans l'oxygène pur a la spontanéité brisante d'un coup de canon, on a remarqué que l'adjonction d'environ 200 litres d'oxygène par cheval-heure normal donnait une augmentation de puissance de 60%. A ce taux, une voiture de 40 HP devrait, pour une course de vitesse d'une durée de 6 heures, emporter 48 mètres cubes d'oxygène; c'est une impossibilité absolue.

Les moyens physiques n'ayant rien donné, on s'est tourné vers la chimie. Pour la suroxygénation, un chimiste français a proposé l'emploi d'un peroxyde alcalin, l'oxylithc, qui dégage de l'oxygène au contact de l'eau. J'ignore si le procédé a été mis en pratique ; outre son prix de revient (secondaire en certaines circonstances), il présente l'inconvénient de multiplier les organes et d'augmenter les impedimenta déjà nombreux dont il faut se préoccuper. Essence, eau, carbure de calcium des phares ou acétylène dissous, outils, pneumatiques, forment déjà un gros lot dont les caissons regorgent. L'idée était sans doute ou peu pratique ou trop onéreuse, car je n'ai jamais eu connaissance de sa réalisation.

D'autres ont proposé, mais pour l'alcool seulement, à cause d'une question de solubilité, l'emploi d'une solution à 5% environ de nitrate d'ammonium, le nitrum flammans des alchimistes, lequel est la base de l'explosif Favier : on sait que cet explosif de sûreté déflagre sans enflammer le grisou des mines.

En remarquant que la suroxygénation fait tendre la combustion de la charge gazeuse vers la déflagration instantanée caractéristique des explosifs, quelques professionnels de la vitesse ont ajouté du nitrate d'éthyle ou éther nitrique, dont la vapeur surchauffée déflagre avec violence. Je ne vois pas pourquoi ceux qui sont dans cette voie ne font pas appel aux éthers nitrés des alcools diatomiques ou triatomiques, car le nitrate d'éthyle est un explosif pauvre à côté des autres. Les alcools diatomiques ou glycols donnent en effet l'éther glycol diazotique qui est un explosif de la dernière énergie. Il en est de même de l'éther nitrique de l'alcool triatomique, que tout le monde connaît, puisque c'est la nitro-glycérine, base essentielle de la dynamite. Il est vrai que ces corps sont vénéneux et difficiles à manier; ils ont même le mauvais goût d'exploser au moindre choc avant leur mélange avec l'alcool; j'ignore, du reste, s'ils sont solubles dans l'essence.

L'essence étant presque exclusivement employée, je vais indiquer aux amateurs de ces doping un procédé plus formidable quoique dangereux à préparer. Qu'ils fassent, par parties égales, un simple mélange de peroxyde d'azote et d'essence de pétrole et ils auront leur réservoir plein de la « Panclastite » du chimiste Turpin. Le peroxyde d'azote est un liquide rouge qui n'a qu'un inconvénient : il est très dangereux à respirer; à part cela, il n'attaque point les métaux et il se dissout dans l'essence de pétrole sans élévation de température. La Panclastite à l'essence offre une grande résistance au choc et n'explose qu'au contact de la flamme ou par le fulminate de mercure. C'est presque la joie des enfants et la sécurité des parents, toute question d'odeur mise à part. C'est l'explosif le plus énergique.

En outre, la densité du peroxyde d'azote étant plus du double de celle de l'essence, la charge massique de la cylindrée augmentera notamment, sans préjudice du gain résultant de la spontanéité de la combustion. Pour ceux qui veulent vaincre ou tout casser, voilà de quoi crever les cylindres.

D'autres, plus doux mais truqueurs, ont employé l'oxyde d'éthyle ou éther ordinaire. Mais, ici, l'effet visé est moins la suroxygénation qu'une augmentation de la tension de vapeur de l'essence. L'éther est beaucoup plus volatil que l'essence de pétrole ou l'alcool, et le mélange qui passe au gicleur est plus facilement gazéifié par le brassage du piston avant l'allumage. Le mélange d'éther abaisse la puissance calorifique de l'essence et augmente celle de l'alcool ; son emploi n'est pas sans danger, car outre l'inflammabilité de sa vapeur pour les retours, il se comporte comme un explosif et donne une répercussion fâcheuse sur les organes du moteur.

Enfin, s'il m'est permis de clore cette question par un petit plaidoyer pro domo, je terminerai en rappelant que mon Carburant "Robur", basé sur les lois physiques qui régissent les tensions de vapeur, n'est composé que de corps solides, inexplosifs, sans danger pour le moteur. Il régularise l'émission de l'essence en la soustrayant à l'influence des variations atmosphériques. Il respecte la puissance calorifique de l'essence et du benzol et augmente celle de l'alcool. Il est pour les chauffeurs ce que l'oxyde d'éthyle est pour les professionnels, mais avec une innocuité absolue. Comme toute chose, il a été, lui aussi, soumis à la loi de perfectionnement et en son état actuel il a des milliers d'employeurs ; c'est là le meilleur gage et la démonstration la plus éclatante de son utilité.


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Référence G. Patrouilleau Conférence et complément

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