Application de l'alcool à l'automobile
Les hommes politiques français évoquent souvent l'exemple des autobus parisiens pour promouvoir l'E85. Excellent exemple historique, maintes fois évoqué à l'Assemblée Nationale, mais quel était le véritable bilan en 1907 ?
Le premier Congrès de l'Alcool industriel fut tenu à Paris, en mars 1903, pendant le Concours Général Agricole, organisé par le Ministère de l'Agriculture.
A cette époque, comme au Brésil actuellement, l'alcool dont parle cette communication historique trouvée sur le site de la Bibliothèque Nationale de France contenait 10% d'eau et des dénaturants identique à l'alcool à 90% ou à l'éthanol 86% vendu actuellement dans nos pharmacies.
Les bus parisiens utilisaient à l"époque seulement 50% d'alcool à 90% dénaturé, mélangé à 50% d'essence de pétrole.
Cette communication publique casse le mythe de la corrosion liée à l'alcool moteur composé à 10% d'eau et 90% d'alcool et de la consommation élevée en milieu urbain : carburants ex aequo, juste un problème de taxe comme de nos jours.
Voulez-vous en savoir plus ?
2006 : "Rapport PROST" : E85, le plus grand champion du monde de Formule 1 s'engage1907 : Omnia N° 89 "L'alcool moteur" (début)
1907 : Omnia N° 91 "L'alcool moteur" (suite)
Le Génie civil - 3°/11/1907 - Bibliothèque Nationale de France
Wikipedia : Éthanol
Wikipedia : Éthanol
Communication :
Eugène BRILLIÉ, le constructeur des autobus parisiens, étudie les avantages et les inconvénients de l'alcool employé comme générateur de force motrice.
Les résultats obtenus en 1900 à la suite du concours Paris-Rouen, et qui ont démontré la possibilité de substituer à l'essence, dans les moteurs à explosion, l'alcool carburé ou dénaturé, n'ont pas été infirmés jusqu'ici. Les chiffres de consommation avec l'alcool sont aussi bas que ceux qui ont été notés avec l'essence.
Dans aucun cas, nous n'avons été amené à constater des érosions ou piqûres sur les soupapes ou toute autre pièce mécanique, inconvénient qu'on attribuait au début à l'alcool.
D'autre part, le moteur fonctionne à l'alcool à un régime plus doux et moins bruyant qu'à l'essence : il chauffe moins, cela est évident, puisque, donnant la même puissance pour un nombre de calories moindre, il doit y avoir moins de calories perdues.
Comme inconvénient, l'alcool donne quelques difficultés de mise en marche par temps froid, mais quelques gouttes d'essence dans les robinets permettent toujours de lancer le moteur.
En résumé, l'alcool est aussi satisfaisant que l'essence, et la seule considération à envisager pour le choix du combustible, dans une exploitation industrielle, sera celle du prix de revient. Cette considération a fait l'objet d'une étude approfondie, quand il s'est agi de déterminer le choix du combustible pour les autobus de Paris.
Actuellement, les prix, à Paris, sont les suivants :
- essence : 56 francs l'hectolitre, y compris 20 francs d'octroi ;
- alcool carburé : 39 francs l'hectolitre, y compris 5 fr. 10 d'octroi.
D'où différence en faveur de l'alcool : 17 francs par hectolitre. C'est ce dernier combustible qui a été adopté.
Or, du 11 juin 1906, jour de l'inauguration du service, jusqu'au 1er novembre 1907, les autobus parisiens ont parcouru 3570000 kilom. et ont consommé 22000 hectolitres d'alcool carburé à 50%.
En tenant compte de la différence de consommation de 5% entre l'alcool et l'essence, l'économie résultant de l'emploi de l'alcool carburé se chiffre par une somme de 310000 francs environ pour ce laps de temps.
La consommation kilométrique résultant des chiffres ci-dessus est de 0,61 litres par kilomètre-voiture, et, en comptant le poids total de la voiture, soit 6800 kilogr., la consommation à la tonne kilométrique est de 0,09 litre environ.
Il faut tenir compte que tous les mouvements exécutés dans les dépôts ne sont pas compris dans le parcours kilométrique, enfin que les circonstances de la circulation dans Paris, avec arrêts et ralentissements, concourent à augmenter très notablement la consommation.
Si donc on compare cette consommation de 9 centilitres à celle de 6,5 et 7 relevée dans les concours (*), elle ne paraît pas exagérée, surtout si l'on considère que les conducteurs de ces véhicules sont des simples cochers n'ayant que des connaissances techniques tout à fait rudimentaires. Le parcours journalier moyen de chaque autobus est de 150 kilom. environ, et les premières voitures mises en service, en juin 1906, ont parcouru à l'heure actuelle près de 60000 kilom.
De ce qui précède, il résulte que l'alcool carburé est le combustible qui s'impose, dans Paris, étant donnés les droits d'octroi. Hors Paris, d'après les chiffres donnés plus haut, les prix des deux combustibles seraient : pour l'essence, de 36 francs l'hectolitre ; pour l'alcool carburé, de 33 fr. 90, c'est à dire que le prix des deux combustibles compense sensiblement la différence de consommation : les deux combustibles sont donc ex œquo.
M. Brillié conclut en disant que l'on voit tout l'intérêt qui s'attache à rechercher les moyens de diminuer le prix de l'alcool : le moindre résultat obtenu fera pencher la balance de son côté, et créera un débouché considérable pour les produits de notre agriculture.
(*) Concours de consommation véhicules lourds entre 1900 et 1907
- Les consommations par tonne-kilomètre ont été, en 1900, dans Paris-Rouen à l'alcool pur 0,129l, à l'alcool carburé 0,128 litre ;
- en avril 1900, dans Paris-Roubaix (avec voitures de tourisme à deux cylindres et quatre pistons, pesant 1325 kilogr.) : 0,084l ;
- En octobre 1901, au Concours du Ministère de l'Agriculture (camion pesant 5877 kilogr.) : 0,096l :
- En mai 1902, dans Beauvais-Paris, 0,074l (camion pesant 3075 kilogr.) et 0,088l (camion pesant 8910 kilogr.) ;
- avec des véhicules à quatre cylindres : en 1905, dans le Concours de véhicules industriels, 0,077l (camion pesant 8802 kilogr.) et 0,070l (autobus pesant 5990 kilogr.).
- En 1906, dans Paris-Tourcoing, 0,064l (camion pesant 5535 kilogr. et 0,0656 l (camion pesant 6536 kilogr.).
- En 1907, dans le concours des véhicules industriels : 0,061l (véhicule de transport en commun pesant 4995 kilogrammes).
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