jeudi 23 août 2018

1902 : Alcool carburé, éclairage et force motrice

Influence du Benzol sur les rendements lumineux, calorifique et dynamique de l'alcool.


Histoire de l'E85 / Superéthanol du XIXe siècle à nos jours


Chose qui nous parait aujourd'hui incongrue, le carburant automobile servait aussi de combustible dans les lampes d'éclairage en 1902. Je ne vous conseille pas de tester avec de l'E85.

Le Benzol était un substitut à l'essence de pétrole très utilisé durant la première moitié du 19eme siècle d'une densité de 876 kg/m³, d'un point éclair aux alentours de -10° Celcius, un indice RON supérieur, un pouvoir énergétique un peu meilleur à l'époque par rapport aux essences de pétrole et généralement mélangé à de l'éthanol à 90° ou 95° ou absolu et/ou de l'essence.

Benzol est le nom donné dans le commerce à la benzine du goudron de houille, sous-produit de la distillation  par pyrolyse de la houille en coke et en gaz de houille. C'est un mélange de benzène , toluène et xylène.

La teneur en benzène dans le carburant est aujourd'hui limitée à moins de 1% à cause de sa toxicité (cancer).




Réclame Britannique  1931
  

Réclame Française 1902


Article original


La Société des Huiles de Colombes montrait à son stand, lors de la dernière exposition de l'alcool, deux tableaux, fort intéressants, relatifs à l'influence du benzol sur les rendements lumineux, calorifique et dynamique de l'alcool, que nous sommes heureux de reproduire avec quelques commentaires.


Le tableau de la figure 113 concerne l'éclairage par lampes avec ou sans manchons.


Sur l'axe horizontal se lit en partant de la gauche la proportion du benzol contenue dans 100 parties d'un mélange d'alcool carburé, en partant de l'alcool dénaturé pur, pour arriver jusqu'à 50%, qui, en la circonstance, est de l'Alcoho-Stellane.

Sur les axes verticaux se lit la consommation correspondante, en grammes, par carcel-heure, c'est-à-dire par unités de poids et de lumière; la consommation cherchée se trouvant à l'intersection de la ligne verticale considérée, correspondant au mélange envisagé, et d'une courbe obtenue en joignant un certain nombre de points venus expérimentalement.

C'est ainsi que pour de l'alcool dénaturé, pur, le carcel-heure sera obtenu, dans une lampe à manchon, avec 20 grammes d'alcool, alors que 10 grammes d'alcool carburé 50% (Alcoho-Stellane) seulement seront nécessaires pour, obtenir le même résultat.


Figure 113 : Tableau comparatif pour l'éclairage


Pour une même puissance lumineuse, il faut donc un poids moitié moindre d'alcool carburé 50% que d'alcool dénaturé pur.

50% de benzol font donc tomber les résultats de moitié.

Or, le 50% est meilleur marché que l'alcool dénaturé pur ; le prix de revient de l'unité de lumière est donc plus de moitié moins avec le 50% qu'avec l'alcool dénaturé pur.

Y a-t-il intérêt à prendre une autre composition ?

Cela ne paraît pas nécessaire dans les conditions actuelles.

D'une part, en effet, le problème à résoudre est la consommation de l'alcool, dans les meilleures conditions possibles, bien entendu.

S'il y a donc intérêt, d'un côté, à prendre le mélange le plus riche en alcool, d'un autre côté il faut que les résultats soient pratiquement utilisables.

Or, la nature de la courbe montre que la consommation baissera peu au-delà de 50% et, d'un autre côté, ce mélange a l'avantage particulier d'avoir les propriétés générales de l'essence, alors qu'au-dessous on se rapproche de l'alcool pur, avec ses inconvénients particuliers de mise en marche. Le 50% semble donc convenir particulièrement. ,

Tout ce que nous venons de dire sur la lampe à manchon est encore plus visible dans le cas de la lampe à flamme libre.

Ainsi que le montre la courbe y relative de la figure 113, c'est, en effet, non pas en passant de 0% à 50% de benzol que la consommation tombe de moitié, mais bien de 28% à 50%.

A noter en passant en passant que dans le cas le plus favorable à la flamme libre, la consommation est encore plus de 4,5 plus élevée qu'avec le manchon.

L'influence du benzol est vraiment caractéristique ; mais si elle se conçoit aisément en ce qui concerne la flamme libre, on la voit moins bien pour ce qui est du manchon.

Dans le premier cas, en effet, le benzol introduit dans la flamme le carbone nécessaire à la production de la lumière; la légère augmentation de puissance calorifique intervient alors à peine.

Dans le cas du manchon, la puissance calorifique devrait alors être tout, puisque le fluide n'intervient que pour porter à l'incandescence des matières étrangères.

Et cependant, alors qu'à consommation égale d'alcool pur et d'alcool carburé 50% on passe de 1 carcel à 2 carcels, c'est-à-dire de 1 à 2, la puissance calorifique n'a passé que de 5,906 à 7,878, c'est-à-dire de 1 à 1,33 environ.

Il y a là une action spéciale dont il serait intéressant de connaître la cause.

Est-ce la présence de la vapeur d'eau, qui influe défavorablement ? Il y aurait là une étude intéressante à faire et facile. Il suffirait, en effet, pour s'en rendre compte d'essayer une même lampe avec des alcools plus ou moins hydratés pour être fixé sur ce point.


Passons au tableau de la figure 114 relatif à la force motrice.


Là encore, l'axe horizontal donne les pourcentages de benzol, depuis l'alcool dénaturé jusqu'au 50% (Alcoho-Stellane en la circonstance) et les axes verticaux la consommation correspondante au point d'intersection avec la courbe de consommation.

Figure 114 : Tableau comparatif pour la force motrice

Ces courbes sont au nombre de deux ; l'une relative aux moteurs de 1 à 5 chevaux de force, l'autre allant de 6 à 16 chevaux; le tout rapporté au cheval heure effectif et en grammes, unité de force et de poids.

Les moteurs puissants consomment, en effet, par unité, moins que les petits, ce qui est normal. Alors que les premiers consomment de 530 à 722, les autres consomment de 432 à 595, toutes conditions égales d'ailleurs, c'est-à-dire plus de 15% en moins.

Quoi qu'il en soit, dans un cas comme dans l'autre, le rapport entre la consommation en alcool carburé 50% et la consommation en alcool dénaturé pur est sensiblement le même; 0,734 dans un cas, 0,729 dans l'autre; soit 0,730 en nombre rond en moyenne.

Or, le rapport des puissances calorifiques des liquides envisagés est dans le rapport suivant :

5,906 / 7,848  = 0,749

11 résulterait de.cela que le benzol augmenterait le rendement dynamique de quelque peu.

Là, cependant, l'amélioration n'est pas, à beaucoup près, aussi sensible que pour le rendement lumineux et les courbes indiqueraient une amélioration continue en allant vers le benzol pur.

L'influence du benzol proprement dit paraît ici être surtout dans sa capacité calorifique.

Si nous envisageons encore la question au point de vue de la consommation de l'alcool, on devra, comme pour la lumière, considérer l'alcool 50% avec une faveur particulière, pour les raisons de facilité de mise en marche et de tenue générale données plus haut, quoique la teneur en alcool soit sensible.

Voici résumé ce que nous enseignent ces tableaux, c'est un nouveau pas fait dans cette question ardue de l'alcool moteur et nous devons remercier la Société de Colombes de traiter la question aussi scientifiquement qu'elle le fait.

L'infatigable et compétent M. André Vignat a, du reste, pris cette question en mains personnellement. C'est tout dire.




G. CHAUVEAU
Ingénieur civil E. C. P

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire