mardi 8 mai 2018

1907 : rendement thermodynamique de l'Alcool

L'Alcool dans nos moteurs


Histoire de l'E85 / Superéthanol du XIXe siècle à nos jours


J'ai évoqué plusieurs fois le meilleur rendement de l'alcool pour expliquer une consommation moindre qu'attendue par la comparaison des pouvoirs calorifiques.

L'efficacité énergétique des voitures peut être meilleure avec l'E85 qu'avec l'essence, bien que la consommation de carburant volumétrique soit plus élevée pour l'E85.

Le rendement des moteurs à allumage commandé fonctionnant à l'essence a été amélioré, on est passé de 15% à 35% entre 1900 et aujourd'hui.
Si on applique la même progression à un moteur fonctionnant à l'alcool moteur, on pourrait approcher le rendement d'un moteur diesel (45%).
Il existe très peu de publications sur le sujet, je vais chercher du coté des USA.

Le rendement thermodynamique obtenu par l'alcool moteur 



Omnia - Revue pratique de locomotion - 1907


Nos lecteurs savent que, pendant le prochain Salon de l'automobile, — qui ouvre dans une quinzaine de jours, — se tiendra un important Congrès de l'alcool.

La question de l'alcool revient une fois de plus à la lumière. L'application à nos moteurs de notre carburant national est-elle prochaine ? Il faut l'espérer. Dans tous les cas, nos lecteurs n'auront jamais trop de documents sur cette question. Ils ont déjà lu ici les études si instructives de M. Girardault. Aujourd'hui M. Lumet, le chef du laboratoire de l'Automobile Club de France, leur apporte l'appoint de sa grande expérience de la question et de ses observations personnelles (1).

Au Congrès de l'Alcool de 1902, M. Chauveau exposa une très intéressante théorie sur le fonctionnement des moteurs à alcool, et qualifia ces derniers de « moteurs marchant en allure refroidie ».

Cette théorie s'appuyait sur des constatations de consommation faites au cours des essais les plus sérieux, et c'est ainsi que M. Chauveau put dire que, dans les moteurs à essence, le cheval-heure nécessitait une dépense de 350 à 400 grammes d'essence. Le rendement thermodynamique de ces moteurs était voisin de 15 p. 100, ce qui veut dire que le rapport entre la quantité de chaleur susceptible d'être dégagée dans la combustion de la quantité de combustible nécessaire pour produire un cheval-heure et la quantité théorique de chaleur équivalente au travail que représente le cheval-heure est 15 p. 100.

Le rendement thermodynamique des moteurs à pétrole courants, disait encore M. Chauveau, est inférieur à celui des moteurs à gaz, et il donnait les chiffres comparatifs suivants :
  • Pour le gaz pauvre, la consommation en calories par cheval-heure est en moyenne de 3275 calories, ce qui correspond à un rendement thermodynamique de 19,4 p. 100.
  • Pour le gaz d'éclairage, elle est de 3150 calories, ce qui correspond à un rendement de 20,2 p. 100.
  • Pour les moteurs à essence, le rendement est, comme nous l'avons vu plus haut, de 15 p. 100.
Or, des expériences faites, il résulte qu'avec l'alcool on atteignait des rendements bien supérieurs, allant de 21 à 38 p. 100 !

Le moteur Banki, grâce à une injection d'eau d'un peu plus de 1 kilogramme, par cheval-heure, dans le cylindre, injection qui permettait une énorme compression de 16 kg. 5, atteignit un rendement thermodynamique de 28 p. 100.

Les faits constatés par M. Chauveau étaient indéniables ; l'explication qu'il en donnait peut seule être contestée.

La présence de l'eau dans l'alcool, l'injection d'eau dans le moteur Banki avaient pour effet, d'après M. Chauveau, de faire marcher le moteur à une allure refroidie.

« Le travail, disait-il très justement, les pressions restant sensiblement les mêmes, ne dépend que de la chute des températures entre le commencement et la fin du cycle. »

Et il disait encore : « Le moteur à mélange tonnant fonctionne à une sur-température, c'est-à-dire que les opérations se passent toutes à des températures supérieures à celles qui pourraient être. C'est ainsi que les gaz d'échappement sortent couramment à 400° avec les meilleurs moteurs courants, alors qu'une centaine de degrés seraient plus que suffisants. Ce serait un abaissement de 300° dans le régime du fonctionnement, et il n'est pas besoin d'insister sur l'abaissement des pertes par parois, circulation d'eau, etc. »

Sa conclusion était que, dans un moteur à mélange tonnant, il y a intérêt à marcher à allure relativement froide, mais toujours à haute pression.

Ce que je désire discuter, c'est l'allure relativement froide ; car, en ce qui concerne la haute pression, je considère que c'est précisément la possibilité de réaliser avec l'alcool les fortes compressions qui nous fournit l'explication de l'accroissement considérable du rendement thermodynamique des moteurs utilisant l'alcool.

Il est encore un avantage que présente l'alcool et qui explique qu'avec un même moteur, et sans changement de la compression théorique, on puisse arriver à une augmentation du rendement thermodynamique, c'est que l'explosion d'un mélange d'air et de vapeur d'alcool est retardée par le fait de la présence de l'eau ; qu'elle ne présente pas le caractère d'instantanéité de l'explosion d'un mélange d'air et de vapeur d'essence, explosion qui peut parfois, dans un mélange peu homogène, n'intéresser qu'une partie de ce mélange qui est imparfaitement brûlée. Pour ces moteurs à faible compression, une explosion retardée, une combustion lente semble, à mon avis, offrir les plus grandes chances d'une utilisation plus parfaite de la totalité de la masse gazeuse.

Mais étudions désormais les moteurs à mélange tonnant à essence : la température des gaz de l'échappement n'est plus aujourd'hui aussi élevée que jadis ; la compression est un peu plus élevée qu'il y a cinq ans : 3 kg. 5 ou 4 kilogrammes étaient des chiffres que l'on dépassait rarement. Actuellement les constructeurs adoptent une compression théorique voisine de 5 kg. 5.

Puis, conformément à la théorie des parois de M. A. Witz, la forme des chambres d'explosions s'est modifiée ; l'alésage a augmenté ; la course a diminué pour un même volume de cylindrée ; et c'est grâce à ces modifications que j'ai pu relever des consommations de 225 grammes d'essence au cheval-heure, et que la maison Fiat indique, dans le dernier bulletin officiel de la Commission technique de l'A. C. F., une consommation de 210 grammes au cheval-heure, pour le moteur qui remporta la victoire au circuit de Dieppe.

Le rendement thermodynamique de 25 p. 100 est donc dépassé !

Le moteur à essence a fait des progrès, voilà toute l'explication. Il utilise normalement le combustible qu'on lui donne dans un bon carburateur il est logiquement construit ; il fonctionne désormais à allure froide.

Mais l'alcool conserve toujours ses propriétés spéciales ; il permet d'atteindre des compressions de 10 à 12 kilogrammes. Si donc l'on observe les théories de Witz dans la construction des moteurs à alcool, le rendement obtenu par Brouhot de 38 p. 100 sera dépassé. Le moteur à alcool sera toujours le moteur économique, surtout si la température de l'explosion est la plus élevée possible, et pourvu que le moteur et le carburateur soient établis de telle façon que la température finale des gaz de l'échappement soit la plus basse possible, de telle façon enfin que T A soit maximum. Il est peut-être alors plus logique de dire que le moteur à alcool doit être un moteur à allure chaude.

Mais pour arriver à ce résultat, il ne faut plus croire que le moteur à alcool soit un moteur à longue course et à vitesse angulaire réduite !

(A suivre.) G. LUMET.

(1) Nous rappelons à nos lecteurs que nous pouvons leur fournir au prix de 5 francs (soit 4 fr. 50 pour nos abonnés, l'important ouvrage de M. Baudry de Saunier, Sa Majesté l'Alcool, qui les mettra au courant de toutes ces questions. et que nous sommes à leur disposition pour leur donner, gracieusement et en toute indépendance, les renseignements et conseils dont ils pourraient avoir besoin.

Il leur suffira d'écrire à M. Baudry de Saunier, 20, rue Duret, Paris.


Le rendement d'un moteur est le rapport entre l'énergie mécanique délivrée et l'énergie thermique fournie par le carburant. Il dépend du cycle thermodynamique choisi, des paramètres de fonctionnement (taux de compression) et des pertes thermiques, mécaniques (frottement), d'écoulement (dans l'admission et l'échappement) ainsi que des pertes dues aux accessoires nécessaires à son fonctionnement. Le rendement maximal pour les moteurs automobiles modernes est de 35 % environ pour les moteurs à allumage et de 45 % pour les moteurs Diesel..

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire