samedi 3 février 2018

1897 : les raisons de l’efficacité énergétique de l'Alcool

Les Moteurs à Alcool


Le Chauffeur 1897


Il serait à désirer, certainement, que l'alcool, produit national, put faire concurrence au pétrole, produit importé de l'Étranger.

Les statistiques officielles de l'année 1895 indiquent qu'il est entré chez nous :

  • 268 100 412 kg. d'huiles brutes de pétrole et de schistes ;
  • 24 800 589 kg. d'huiles raffinées et d'essences ;
  • 39 227 972 kg. d'huiles lourdes et résidus de pétrole.

On conviendra que ces chiffres sont considérables.

Malheureusement, nous n'avons pas encore assez d'expériences précises qui donnent le pouvoir éclairant du pétrole, comparé à celui de l'alcool, et je ne puis comparer les quantités équivalentes d'alcool. Mais on peut dire a priori qu'elles seraient très grandes relativement à la production française.

Y a-t-il quelque chose à attendre de l'emploi de l'alcool pour le chauffage ? Certes, pour le chauffage des habitations ou des chaudières de machines à vapeur, le bois, le coke et la houille seront toujours préférés.

Mais il ne semble pas impossible qu'on arrive à remplacer les moteurs à pétrole par des moteurs à alcool. Les chimistes et les physiciens diront, il est vrai, que le pétrole coûte moins cher que l'alcool et a un pouvoir calorique supérieur. Cette objection n'est pas pour m'effrayer.

J'ai à répondre que les résultats donnés par la calorimétrie étant obtenus en faisant brûler une quantité déterminée de combustible, dans un volume rigoureusement suffisant d'oxygène ou dépassant légèrement le nécessaire, ne sont pas strictement applicables en pratique.

Ce n'est pas en présence d'oxygène pur que le pétrole et l'alcool sont appelés, en réalité, à transformer leur hydrogène en vapeur d'eau, et leur carbone en gaz carbonique ; c'est en présence d'air, c'est-à-dire d'un mélange à 23 pour cent d'oxygène et 77 pour cent d'azote.

Or, 1 kilogramme de pétrole exige, pour la combustion complète, 15,117 kil. d'air qui renferment 11,64 kil, d'azote, tandis que 1 kil. d'alcool à 90° ne demande que 7,567 kil. représentant 5,82 kil. d'azote.

Au contact de la flamme, l'azote s'échauffe sans prendre part à la combustion, et il emporte, au sortir de la lampe ou du moteur, un certain nombre de calories qui restent inutilisées.

La perte de ce chef est donc beaucoup moins grande pour l'alcool que pour le pétrole.

Au surplus, il est très difficile d'obtenir une combustion complète du pétrole : des particules charbonneuses échappent presque toujours à l'action de l'oxygène ou sont simplement portées à l'incandescence. La flamme devient plus éclairante, c'est vrai, mais elle n'en est que moins chaude, et une partie de la puissance calorique s'en va en fumée.

L'alcool est plus favorisé à cet égard : comme il renferme plus du tiers de son poids d'oxygène (16 gr. sur 46), il peut trouver plus facilement, dans l'air ambiant, le comburant qui lui manque. Il brûle donc avec une flamme non fuligineuse, et ainsi se justifie son emploi comme moyen de chauffage dans les laboratoires et pour les usages domestiques.

Il faut insister aussi sur l'action de la chaleur totale de vaporisation qui intervient dans la production de la puissance motrice et modifie notablement les chiffres fournis par le calorimètre.

Il y aurait, donc tout au moins, une étude à faire, surtout si l'on tient compte de l'abaissement de prix de l'alcool qui résulterait de la suppression partielle ou totale des droits perçus par l'État sur ce produit.


EMILE SAILLARD,
Professeur à l'École Industrielle agricole de Douai.

Lé Chauffeur — 73 — 10 Mars 1897

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